Maintien de l’ordre : « La technologisation croissante est devenue le synonyme, non critiquable, de l’efficacité et de la sécurisation »

Démonstration du Smart ProtectoR - 303T dans les locaux de l’usine de fabrication d’armes FN Browning Group,à Herstal,Belgique,le 7 mars 2024. SEBASTIEN VAN MALLEGHEM POUR « LE MONDE » Eric Sadin est philosophe et spécialiste du monde numérique. Depuis son ouvrage Surveillance globale (Climats,2009),cet auteur prolifique interroge les conséquences de la numérisation du monde. Il publiera cet automne,Le Désert de nous-mêmes. Le tournant intellectuel et créatif de l’intelligence artificielle (L’Echappée).

D’où vient,selon vous,la volonté d’adopter l’intelligence artificielle dans le domaine de la sécurité ?

Depuis une dizaine d’années n’a cessé de triompher la doxa selon laquelle,pour mieux gérer des pratiques de tous ordres,il convient de leur adjoindre des systèmes d’intelligence artificielle (IA) – y compris lorsque celles-ci relèvent du domaine régalien. Or,ce qui vaut désormais comme un postulat est fondé sur une vision très singulière du monde : celle de la faillibilité humaine fondamentale. Mais un miracle a lieu aujourd’hui : l’IA,dotée d’une prétendue omniscience cognitive,et appelée à terme à corriger tous nos défauts. En cela,sans que nous nous en soyons pleinement rendu compte,s’est imposée la volonté,ou le fantasme de tendre vers une société délivrée du moindre défaut ou,dit autrement,un hygiénisme toujours plus généralisé. Naturellement,le champ sécuritaire a fait sienne une telle ambition.

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